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Accompagner un proche vivant une dépression : comment s’y préparer?

La Journée mondiale de la santé se tiendra le 7 avril prochain. Cette année, elle se déroulera sous le thème de la sensibilisation à la dépression. L’Organisation mondiale de la santé estime que, en 2020, la dépression sera la principale cause d’invalidité dans la population. Malgré tout, elle demeure encore incomprise. Il est courant qu’on perçoive les personnes dépressives comme des individus paresseux, qui manquent de motivation… et pourtant, c’est bien tout le contraire! La dépression est bel et bien un problème de santé qui se soigne dans la mesure où on a accès aux bons traitements et à un soutien approprié.

Connaissez-vous une personne qui traverse une dépression? Peut-être êtes-vous un proche, un enfant, un conjoint d’une personne dépressive? Si c’est le cas, vous avez le potentiel d’être une source de soutien important, car les personnes dépressives peuvent grandement bénéficier de la présence de proches-aidants. Néanmoins, ce rôle, bien qu’essentiel, n’est pas toujours facile à jouer. Il est possible de vous y préparer afin d’aider votre proche le plus adéquatement possible sans vous-même y laisser votre santé.

1- ASSUREZ-VOUS DE BIEN COMPRENDRE LA DÉPRESSION ET SES EFFETS. 

La dépression n’est pas une déprime passagère. Nous avons tous, de temps à autre, des moments de découragement, mais ceux-ci s’estompent généralement après quelques jours ou lorsque nous nous connectons avec des gens que nous aimons ou des activités qui suscitent notre intérêt. Pour la personne qui vit une dépression, quelques jours de repos ou une activité de loisir ne suffisent pas.

Il existe des traitements pour soigner la dépression : il s’agit généralement de médicaments et de suivis psychothérapeutiques. Néanmoins, il existe plusieurs formes de dépression, causées par différents facteurs. Certaines sont épisodiques, d’autres durent plus longtemps, d’autres encore sont cycliques. Le traitement doit donc être adapté au type de dépression vécue, et celle-ci doit donc être évaluée et diagnostiquée par un professionnel habilité tel qu’un médecin.

La dépression est un réel problème de santé qui présente plusieurs signes :

    • des changements d’humeur et une plus grande tristesse;
    • une perte d’énergie et une fatigabilité;
    • une perte d’intérêt pour les activités habituelles;
    • une perte d’intérêt pour la sexualité;
    • une perte d’appétit ou des changements de poids;
    • des problèmes de sommeil;
    • une agitation ou un ralentissement psychomoteur;
    • une agressivité ou une irritabilité accrue;
    • une tendance à se dévaloriser et à vivre de la culpabilité;
    • des problèmes de concentration, de mémoire et de prise de décision;
    • des douleurs physiques;
    • des maux de ventre, de dos, de tête;
    • un pessimisme et des idées suicidaires.

La dépression affecte les émotions, les pensées et les comportements d’une personne. Il est donc inévitable qu’elle affecte aussi les relations de la personne avec son entourage. Ainsi, pour un proche, particulièrement un conjoint, la dépression peut aussi avoir des impacts significatifs. Un article d’ALPABEM fait un portrait clair de ces effets. En voici un résumé :

    • le proche-aidant peut, à plusieurs reprises, se sentir rejeté par la personne dépressive ou moins intéressant à ses yeux;
    • il peut vivre de la crainte, de la colère, de l’incompréhension devant la situation de son conjoint en détresse;
    • le couple peut aussi vivre des tensions sociales, à cause de l’incompréhension de l’entourage, et des tensions économiques, si la personne dépressive ne peut pas aller travailler temporairement;
    • le proche diminue parfois ses contacts sociaux pour s’occuper de son conjoint et se voit ainsi plus isolé;
    • le proche ressentira aussi souvent un sentiment d’impuissance.

Il est essentiel de se rappeler, lorsqu’on soutient un proche en dépression, que ces réactions sont normales. Si vous soupçonnez votre conjoint de vivre une dépression, si vous en reconnaissez des signes chez lui et que vous souhaitez le soutenir, n’oubliez pas d’abord d’évaluer votre propre disponibilité et votre état psychologique et émotionnel. Cela vous permettra d’avoir des attentes réalistes quant à ce qui s’en vient et au rôle que vous pourrez effectivement jouer auprès de lui.

2- ESSAYEZ DE BIEN CIRCONSCRIRE VOTRE RÔLE AUPRÈS DE VOTRE PROCHE. 

Plusieurs articles offrent des conseils et des pistes pour aider votre proche vivant une dépression (par exemple, Marie Bérubé, Info-Dépression, Denis St-Pierre). On peut les résumer en 4 rôles principaux :

    • Repérer

En tant que conjoint, ami, enfant, vous vivez une certaine proximité avec la personne en détresse. Vous avez donc la possibilité de voir et de repérer les signes de la dépression. Ce rôle est de première importance, car les personnes qui traversent un état dépressif ne comprennent souvent pas ce qui se passe ou ne perçoivent pas nécessairement la détérioration de leur état psychologique. Si elles s’en aperçoivent, elles ont souvent honte et n’osent pas en parler ou demander de l’aide. Il est donc important de « lever le drapeau » si vous observez les signes mentionnés précédemment.

Une fois les signes observés, abordez le sujet avec votre proche, délicatement. Partagez vos observations, tentez de savoir comment la personne va et intéressez-vous à la réponse qu’elle vous donne. Ne sautez pas sur l’occasion pour offrir conseils et recommandations; écoutez votre proche avec bienveillance, sans jugement, car elle en aura grandement besoin. Si vos doutes se confirment, vous pouvez penser à accompagner la personne vers l’étape de la consultation.

    • Aider à consulter et à suivre un traitement

Encore une fois, le proche-aidant peut être d’un grand soutien pour cette étape. On ne s’improvise pas médecin, et la dépression, bien qu’elle puisse être dépistée, ne devrait pas être diagnostiquée par l’entourage. Il est important de s’assurer que les signes observés ne soient pas causés par d’autres problèmes de santé.

Donc, si vous avez des doutes, invitez votre proche à consulter un médecin. Comme la dépression demeure encore un sujet tabou, certaines personnes pourraient avoir des réactions de recul si vous l’abordez directement. Si c’est le cas de votre proche, invitez-le à consulter en lien avec des symptômes non psychologiques : la fatigue, la perte d’énergie, les douleurs physiques, etc. Laissez le médecin faire son travail d’évaluation et, au besoin, expliquer le diagnostic à la personne concernée. Rappelez-vous que, à ce stade-ci, vous n’avez pas encore la certitude qu’il s’agisse bien d’une dépression…

Vous pouvez aussi proposer à la personne de l’accompagner chez le médecin. Comme les personnes dépressives voient leur motivation et leur énergie diminuer parfois drastiquement, le fait d’être accompagné peut constituer une source de stimulation qui les aidera à prendre rendez-vous et à se déplacer.

Une fois le diagnostic posé, vous pouvez également aider la personne à suivre son traitement : lui rappeler certains conseils prodigués, si elle les oublie, ou l’accompagner dans certaines recommandations suivies. Par exemple, il est conseillé de demeurer actif physiquement, que ce soit par la marche, le jardinage ou tout activité qui permet de se mobiliser; vous pouvez ainsi proposer à la personne de faire ces activités avec elle. Même chose pour la nutrition; certains aliments sont reconnus pour leurs effets positifs sur l’énergie, la fatigue et l’anxiété. Si vous le souhaitez, vous pouvez suivre le même régime alimentaire que votre proche pour l’encourager, l’aider à préparer ses repas, etc.

L’important est de ne pas « forcer » la personne à consulter ou à suivre un traitement. N’amenez pas votre proche « par surprise » chez le médecin, par exemple. Par ailleurs, il peut être difficile d’introduire plusieurs changements d’habitude de vie d’un seul coup, particulièrement lorsqu’on vit une dépression. Si votre proche n’applique pas tous les conseils dès le départ, suivez son rythme, sans la presser. Évitez également de répéter les mêmes conseils; c’est un réflexe courant mais qui n’apporte, en réalité, aucun résultat positif si ce n’est de faire sentir la personne dépressive incompétente par rapport à sa situation. Dans tous les cas, continuez d’offrir votre soutien, si elle l’accepte.

    • Soutenir

Quand on soutient un proche en difficulté, on souhaite aider et, surtout, ne pas nuire. Voici quelques pistes, en vrac, mais n’hésitez pas à lire les autres articles suggérés pour avoir des conseils plus détaillés.

    • La forme de soutien la plus utile que vous pouvez offrir à votre proche, c’est une écoute bienveillante, empathique et patiente. Montrez un réel intérêt pour que ce la personne pense, ressent et vit; ne posez pas de jugement; écoutez, même si la personne répète les mêmes souffrances.
    • Notez tous les progrès, même les plus petits, et rappelez-les à la personne dépressive, car elle ne les voit plus… Rappelez-lui aussi ses forces, ses réussites, ses ressources.
    • Encouragez la personne à voir des amis et à demeurer entourée, sans trop insister. Il est également préférable que la personne s’entoure d’amis compréhensifs à l’égard de la situation.
    • Libérez la personne de certaines tâches à la maison, si c’est possible. Prenez en charge certaines responsabilités, en attendant que l’état de votre proche s’améliore.

Il est aussi important de savoir quoi éviter… car tout conseil ou toute action n’est pas toujours aidante.

    • Ne niez pas ou ne banalisez pas comment la personne se sent; peut-être ne le comprenez-vous pas bien, mais il n’en demeure pas moins que la dépression provoque beaucoup de détresse chez ceux qui la vivent.
    • Évitez de faire appel à la volonté : « Fais un effort », « Pourquoi n’essaies-tu pas de sourire? » La dépression n’est pas une question de volonté, et les personnes qui la vivent ne sont pas paresseux.
    • N’invalidez pas les choix de votre proche, même si vous feriez les choses différemment. Il s’agit de sa dépression, pas de la vôtre. Laissez-lui le soin de décider des traitements qu’elle prendra. Vous pouvez, par contre, l’amener à réfléchir à certaines conséquences ou à certains effets, en posant des questions au sujet des choix qu’elle fait.

Soutenir un proche en dépression constitue plus souvent un art qu’une science… Rappelez-vous de faire de votre mieux. Certaines journées seront meilleures; d’autres, moins bonnes.

    • Évoquer les idées de suicide

Personne n’apprécie l’idée de devoir aborder le sujet du suicide, à cause de sa gravité et à cause de mythes entourant encore la prévention du suicide. En premier lieu, rassurez-vous : le fait d’aborder le sujet avec votre proche ne lui « donnera pas d’idée suicidaire. » Bien au contraire. Une personne qui ne songe pas au suicide vous le dira, tout simplement. Si elle y pense, elle saura que vous tenez à elle et que vous êtes présent pour la soutenir.

Il est important de l’aborder, car plusieurs personnes dépressives ont des idées suicidaires. Si c’est le cas, il est important d’agir, mais, pour agir, il faut d’abord savoir si votre proche songe au suicide ou non et avec quelle intensité.

Afin de mieux vous préparer à cette étape, n’hésitez pas à demander de l’aide! Personne ne sait de façon innée comment s’y prendre. Consultez le site web de Suicide-Action Montréal et contactez-les par téléphone; des intervenants pourront vous aider. Si vous n’êtes pas de Montréal, vous trouverez sur le site un numéro de téléphone sans frais.

3- PRENEZ SOIN DE VOTRE PROPRE SANTÉ PHYSIQUE ET MENTALE.

Être un proche-aidant constitue une source de stress constante. Il s’agit d’un rôle essentiel mais exigeant et, pour être en mesure de le jouer le mieux possible, il est primordial que le proche-aidant se soucie de sa propre santé. « Prendre soin de soi » n’est pas un geste égoïste… Comment pourrez-vous continuer à aider votre proche si vous êtes vous-mêmes malade ou épuisé? N’hésitez donc pas à vous donner les moyens de prendre soin de votre propre santé physique et mentale et, au besoin, d’aller chercher du soutien.

L’Institut Douglas a publié un article pour les proches-aidants de personnes âgées en perte d’autonomie, mais plusieurs éléments s’appliquent aussi aux personnes qui accompagnent un proche en dépression.

Les points d’équilibre a également publié un article sur les principes essentiels pour prendre soin de sa santé mentale, dans lequel un outil a été fourni pour faire le bilan des obstacles et des sources de soutien disponibles. Téléchargez l’outil et faites ponctuellement votre bilan, surtout si vous êtes un proche-aidant. Vous aurez besoin régulièrement de faire le point et d’ajuster vos propres « points d’équilibre ».

Sachez aussi qu’il existe plusieurs organismes, dans différentes régions du Québec, qui offre des services aux proches de personnes qui vivent avec un problème de santé mentale. L’Association canadienne pour la santé mentale a produit un répertoire de certains d’entre eux.

CONCLUSION

Si un de vos proches vit une dépression et que vous souhaitez l’aider, assurez-vous :

    • de bien comprendre la dépression et ses effets;
    • de bien cerner votre rôle et ses limites;
    • de vous doter d’outils et de ressources pour maintenir une bonne santé mentale le temps que durera la dépression de votre proche.