Informaticien, travailleur du milieu de l’hôtellerie, massothérapeute… Hugues Fereau a porté une multitude de chapeaux! Passer d’un chapeau à l’autre, c’est la façon dont Hugues témoigne de l’évolution de sa vie mais aussi de ses objectifs personnels et professionnels. Depuis 3 ans, il porte celui de travailleur autonome et propriétaire d’une petite entreprise de massothérapie sur chaise : Kenkou Massage. Apparemment, ce chapeau lui va comme un gant…
Apprendre à rebondir
Hugues commence sa carrière en tant qu’informaticien; il demeure 6 ans dans ce domaine avant de changer d’orientation professionnelle. Bien qu’il aimait et aime toujours les tâches reliées à l’informatique, Hugues constate plusieurs irritants dans le cadre de cet emploi. D’une part, il se sent isolé, assis seul, 8 heures et plus par jour dans son cubicule. D’autre part, il constate que les décisions prises au sein de l’entreprise, bien qu’elles l’affectent, sont le plus souvent fondées sur des chiffres, complètement désincarnés de sa réalité quotidienne. Il se sent piégé par la manque de communication, de cohérence et de clarté de l’entreprise; il souffre du manque de reconnaissance. Éreinté par l’accumulation de ces difficultés, Hugues traversera alors une période d’épuisement professionnel.
Il se relèvera de cette épreuve avec le désir d’un changement. C’est alors qu’il se réoriente dans le domaine de l’hôtellerie. Cette nouvelle carrière est riche au plan relationnel, comblant ainsi le besoin de Hugues pour les contacts humains. Il apprécie beaucoup son travail, caressant même l’idée d’ouvrir un « bed and breakfast », mais les conditions de démarrage sont trop difficiles à réunir. Aussi, au fil du temps, alors que Hugues fonde une famille avec sa conjointe, il constate que le stress quotidien et les conditions de travail du milieu de l’hôtellerie deviennent de moins en moins conciliables avec sa nouvelle vie de famille.
Hugues décide alors d’opérer une deuxième réorientation professionnelle. Il quitte le domaine de l’hôtellerie, se trouve un emploi « alimentaire » et retourne aux études pendant un an en massothérapie. À l’issue de ses études, Hugues débute une pratique de massothérapeute à domicile et en entreprise. Alors que, pendant la première année, il conserve son emploi à temps partiel, il finit éventuellement par développer une clientèle suffisamment importante pour se consacrer à temps plein à son entreprise.
Changer de manteau
Pour Hugues, le travail autonome n’est pas qu’un statut professionnel; c’est aussi un état d’esprit ou un manteau qu’on porte. Quand il n’est plus ajusté à sa taille, il ne faut pas hésiter à le changer : « Quand tu te rends compte que tu es toujours frustré, peu importe ta job, c’est peut-être parce que tu as un profil de travailleur autonome. » Hugues, pour sa part, se dit très heureux d’avoir changé de manteau.
Comme il travaille dans le domaine du service, il comble son besoin d’être en contact avec le public. Toutefois, le choix de la massothérapie ne répond pas qu’à un besoin de contacts humains; Hugues y trouve aussi un sens, fondé sur son expérience. Ayant développé une pratique de massage sur chaise en entreprise, il espère donner des outils et des conditions propices au mieux-être des travailleurs : « Je veux aider les gens et leur éviter de vivre ce que j’ai moi-même vécu lors de mon « burn-out ». » C’est donc un changement significatif, riche de sens…
Selon Hugues, le travail autonome change aussi le rapport au temps. D’une part, sa flexibilité d’horaire lui permet de mieux concilier sa vie professionnelle et sa vie familiale, ce qui améliore grandement sa qualité de vie. D’autre part, le temps dédié au travail est un temps de meilleure qualité. Hugues ne se sent plus bousculé par le temps ni par l’obligation de se présenter au travail : « Je ne fais plus de présentéisme. » Plutôt que de compter ses heures et de rester au boulot pour respecter un horaire, Hugues fait la liste de ce qu’il besoin d’accomplir. Il réfléchit en terme de tâches et fait ce qui est nécessaire. Il ne compte donc plus ses heures : « C’est vrai que j’y mets plus d’heures que quand j’étais salarié, mais j’ai souvent l’impression de ne pas travailler. »
En plus d’y trouver un sens et un fort sentiment d’utilité, la situation professionnelle de Hugues lui procure une grande liberté décisionnelle : il s’occupe de tous les aspects de son entreprise et prend l’ensemble des décisions nécessaires. Lui qui n’aime pas la routine, son travail lui procure donc une grande variété.
Faire face à la musique
Hugues considère que son changement de situation professionnelle a amélioré globalement son niveau de bien-être. Toutefois, comme rien n’est parfait, il admet que sa situation comporte ses désavantages. La prise en charge de l’ensemble de son entreprise l’oblige à s’occuper de tâches qui lui plaisent moins : « Je n’aime pas les ventes; j’aimerais beaucoup pouvoir le déléguer. » Aussi, la transition vers le travail autonome s’est accompagné pour Hugues, comme pour beaucoup de travailleurs autonomes, de la perte d’une sécurité financière. Comment fait-il face à ces stresseurs ?
- S’appuyer sur ses forces et ses habiletés
On ne peut être bon en tout… mais, après des essais et erreurs, Hugues a décidé de vendre ses services en s’appuyant sur ses habiletés : mise en ligne d’un site web, démonstration et offre d’échantillons de ses services… Il a ainsi trouvé une formule qui rend la tâche plus efficace et même plaisante!
- Souligner les succès
Il faut parfois trimer dur avant d’avoir une clientèle et des sources de revenus plus régulières. Hugues s’est encouragé en observant l’augmentation annuelle de ses chiffres de ventes; il garde le cap sur ce qui s’améliore. Il a aussi changé son rapport à l’argent : « On apprécie plus chaque dollar gagné. On célèbre chaque vente. »
- Trouver du soutien dans son réseau social
Hugues trouve, chez sa conjointe, un soutien essentiel à son projet, tant d’un point de vue psychologique que financier. Il n’hésite pas non plus, de temps en temps, à entrer en contact avec d’autres massothérapeutes avec qui il peut réseauter et échanger sur son métier et sa situation. Il brise ainsi l’isolement qui vient parfois avec le fait de ne plus avoir d’équipe de travail.
Pas de retour en arrière
Malgré les défis du travail autonome, Hugues n’envisage pas retourner en arrière : « Je ne pense pas que je pourrais jamais accepter de nouveau un emploi salarié. » En posant un regard lucide sur son histoire, il admet toutefois que, si ses conditions d’emploi avaient été différentes, il serait peut-être demeuré plus longtemps en emploi. Et quelles auraient donc dû être ces conditions favorables?
Dans un premier temps, les organisations du travail devraient mieux mettre à profit l’expertise de leurs employés : mieux les écouter, les consulter pour améliorer le fonctionnement de l’organisation, les impliquer plus. Il prêche également pour que les gestionnaires à la source de changements organisationnels se donnent la peine de comprendre ce qui se passe réellement « sur le terrain », au quotidien.
Dans un deuxième temps, Hugues insiste sur l’importance de la communication et de la cohérence dans une organisation. Trop souvent, il s’est buté à des contradictions entre les demandes des clients et celles de son organisation et il a constaté un manque de coordination au sein de l’entreprise, simplement due à une mauvaise communication. Il suggère donc que les entreprises accordent une plus grande importance à la communication dans l’organisation, au partage d’attentes claires et bien définies et à la cohérence entre le discours et les décisions.
Finalement, pourquoi ne pas prendre le temps de reconnaître les talents, les compétences et les efforts des employés? « Le gestionnaire te parle juste quand ça va mal… » Hugues croit qu’une rétroaction régulière, qui souligne autant les bons coups que les points à améliorer, aurait aussi un effet très bénéfique.
Hugues résume ses réflexions ainsi : « Avec l’expérience accumulée dans différents domaines, je constate que les entreprises qui ne prennent pas soin de leurs employés font toujours face à plus de difficultés. Les gestionnaires passent alors leur temps à éteindre des feux plutôt que de faire progresser l’entreprise. Ce sont parfois des petits détails d’organisation qui rendent la vie des employés plus plaisante. Ils sont alors plus productifs et tout le monde se porte mieux. »
Êtes-vous d’accord avec Hugues? Qu’est-ce qui vous inciterait à vous engager un peu plus au sein de votre organisation du travail? Qu’aimeriez-vous voir changer?