La capacité d’un employé à remplir les tâches qui lui sont assignées dans le cadre de son travail repose, sans aucun doute, sur plusieurs éléments qui dépendent de lui : sa formation, son expérience, son niveau d’implication, son initiative et sa motivation, sa personnalité, etc. Toutefois, il serait faux de croire que la capacité d’une personne à jouer son rôle d’employé ne repose que sur ses épaules. Bien au contraire, pour qu’une personne joue bien son rôle, elle doit à la fois avoir les ressources internes pour y faire face mais a aussi besoin des ressources externes, c’est-à-dire les outils qui lui permettent de bien faire son travail.
Demanderiez-vous à un menuisier de travailler sans marteau ou à un médecin d’opérer dans une salle non aseptisée? Que penseriez-vous d’une entreprise qui demande à ses employés de travailler sans utiliser les équipements de sécurité règlementaires? Croyez-vous qu’il soit adéquat de demander à un employé d’effectuer un projet qui nécessite 100 heures de travail en seulement 40 heures? Quelles seraient les conséquences de ces situations? On peut penser que ces employés ne seraient pas en mesure de bien remplir les mandats qu’on leur donne, et avec raison. Sans les bons outils, le travail ne peut être bien fait.
C’est pourtant ce qu’on demande actuellement aux travailleurs du réseau de la santé : on leur demande de compenser le manque de ressources externes et d’outils adéquats par un surinvestissement de leurs ressources internes. « Faire plus avec moins… »
Une lettre récemment envoyée au Ministre de la santé et des services sociaux par l’Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec (OTSTCFQ) permet d’illustrer ce déséquilibre des ressources avec l’exemple des travailleurs sociaux. La lettre en question met en lumière les conséquences, sur les travailleurs sociaux, des conditions de pratique imposées par les récents changements de structure dans le réseau de la santé et des services sociaux : diminution de l’autonomie professionnelle et conflits de rôles et éthiques de plus en plus présents et importants où les travailleurs sociaux sont déchirés entre les obligations professionnelles envers leur employeur et envers leur ordre professionnel.
À moyen terme, ces changements auront des impacts, qui commencent déjà à se faire sentir. D’une part, le stress indu provoqué par ces conditions de pratique menace la santé psychologique des travailleurs sociaux; on observe une augmentation inquiétante du nombre de congés de maladie chez cette catégorie d’employés. On ne peut les blâmer : il est difficile pour un travailleur de constater qu’il ne peut effectuer son travail adéquatement. Le travail constitue une part importante de notre identité, et cette identité ne peut être positive si nous accumulons, jour après jour, le sentiment d’être inadéquat. D’autre part, les impacts se feront aussi sentir sur la population qui reçoit des services de la part de travailleurs qui n’ont pas les conditions minimales et suffisantes pour bien faire leur travail. Des représentants du réseau de la santé et des services sociaux ainsi que la population constatent déjà ces effets sur la quantité et la qualité des services reçus.
L’initiative de l’OTSTCFQ est donc intéressante, car elle met sur place publique la question des conditions de pratique des travailleurs sociaux dans le réseau de la santé et des services sociaux. Quelle belle occasion pour les travailleurs sociaux de réfléchir à cette question afin d’en arriver à définir les balises nécessaires, c’est-à-dire les outils indispensables, à une pratique éthique du travail social!
À lire aussi :
Lettre de l’OTSTCFQ au Ministre de la santé et des services sociaux