Il est maintenant largement reconnu que les gestionnaires jouent un rôle de première importance dans le maintien de la santé psychologique des employés d’une organisation, notamment par l’application de pratiques de gestion saines. En effet, les comportements du gestionnaire peuvent jouer le rôle de médiateur entre les risques psychosociaux en milieu de travail et les employés. D’ailleurs, les initiatives de sensibilisation ainsi que les formations se multiplient afin de soutenir le développement de ces pratiques chez les gestionnaires. Même l’accréditation de la démarche Entreprise en santé reconnaît les pratiques de gestion comme l’un des 4 grands axes d’intervention assurant le maintien de la santé des personnes en milieu de travail.
MAIS QUE FAIT-ON LORSQUE C’EST LA SANTÉ PSYCHOLOGIQUE D’UN GESTIONNAIRE QUI EST MENACÉE?
La question n’est pas anodine. On identifie de plus en plus les gestionnaires comme un groupe particulièrement à risque de détresse psychologique, notamment à cause des exigences et de la complexité de leur rôle ainsi que des attentes d’invulnérabilité que l’on entretient à leur égard. Les médias ont d’ailleurs rapporté des signes inquiétants de la santé psychologique fragilisée des gestionnaires à la suite des plus récents remaniements du système de santé et de services sociaux québécois. Alors que certains rapportaient des tentatives de suicide chez certains gestionnaires conséquemment à la réforme, d’autres abordaient la surcharge de travail et la perte de sens menant à une augmentation de la détresse psychologique.
Qui peut agir sur cette détresse? Qui a le pouvoir de la prévenir? Bien évidemment, de la même façon que les gestionnaires ont un impact sur la santé psychologique des travailleurs qu’ils supervisent, on peut penser d’emblée que les hauts dirigeants d’une organisation ont le pouvoir et la responsabilité d’assurer le santé psychologique de leurs gestionnaires. Néanmoins, on reconnaît maintenant de plus en plus que les employés, eux aussi, ont une influence significative sur le bien-être de leur gestionnaire, notamment à travers leurs comportements de followership.
LEADERSHIP ET FOLLOWERSHIP : LES DEUX CÔTÉS D’UNE MÊME MÉDAILLE
Qu’est-ce que le followership? Simplement défini, on peut dire qu’il s’agit de la façon positive dont les employés réagissent au leadership de leurs supérieurs. En fait, selon Uhl-Bien,
Riggio, Lowe, and Carsten (2014), sans followership, le leaderhsip n’existe pas. Selon eux, on reconnaît plus facilement la présence du leadership chez un gestionnaire en observant les comportements de ses employés. En effet, le leadership n’est légitime que s’il est reconnu et approuvé par les employés, notamment par leur propension à suivre le gestionnaire.
Ce concept implique donc qu’il existe un effet de réciprocité entre le gestionnaire et ses employés. Alors que les saines pratiques de gestion ont un effet bénéfique sur ces derniers, l’application de ces pratiques sera, par ailleurs, facilitée par l’environnement, incluant les comportements des travailleurs. Il en résulte ainsi que les comportements des travailleurs influencent même, plus largement, le bien-être des gestionnaires, car ces derniers sont, eux aussi, influencés par leur environnement et les facteurs de stress qu’ils y retrouvent. Une étude récente de St-Hilaire, Gilbert et Brun (2017) met d’ailleurs en lumière que certains comportements des travailleurs, ou les pratiques de travail, protègent la santé psychologique des gestionnaires. En effet, l’étude a permis d’identifier, à partir des récits et des perceptions de travailleurs et de gestionnaires, plusieurs catégories de comportements qui bénéficient au mieux-être en milieu de travail.
DES PRATIQUES DE TRAVAIL À L’ORIGINE DU MIEUX-ÊTRE EN ORGANISATION
St-Hilaire, Gilbert et Brun ont ainsi répertorié un grand nombre de comportements d’employés, tels que relatés par les participants à l’étude, et les ont catégorisé en 6 thèmes :
- les pratiques de soutien;
- les pratiques d’affiliation;
- les pratiques contributives;
- les pratiques relationnelles;
- les pratiques informationnelles;
- les pratiques éthiques.
À chacun de ces thèmes ont été associées des compétences qui sont elles-mêmes illustrées par les pratiques répertoriées auprès des participants. Ainsi, par exemple, les pratiques de soutien réfèrent à deux compétences, soit l’accomplissement des tâches ainsi que l’assistance pour certaines tâches. L’accomplissement des tâches s’illustrent à travers des situations où un employé complète les tâches attendues de lui et le fait dans les délais appropriés. L’assistance, quant à elle, fait référence à des situations où un employé offre son aide à son supérieur ou à un collègue, ajuste son horaire de travail lorsque nécessaire ou se montre disponible lors de périodes de pointe. On trouve également des comportements de savoir-être tel que le fait d’avoir une attitude cordiale, catégorisée dans le thème des pratiques relationnelles, ou des comportements plutôt liés à la communication, tels que partager ses insatisfactions avec son gestionnaire (plutôt que d’en faire des ragots). Ce comportement, quant à lui, réfère aux pratiques informationnelles. Les pratiques éthiques incluent, quant à elles, le fait d’être honnête et transparent alors que les pratiques d’affiliation, par exemple, réfèrent à l’expression de support et de reconnaissance envers son gestionnaire.
L’étude nous permet donc d’identifier les comportements des employés qui contribuent au maintien de la santé psychologique des gestionnaires. En contrepartie, le gestionnaire qui bénéficie de ces pratiques de travail sera plus susceptible d’adopter des pratiques de gestion saines, plus à même de soutenir la santé psychologique de ces employés.
Comme quoi investir dans la santé psychologique des autres, ça rapporte aussi à soi-même…
Référence
Uhl-Bien, M., Riggio, R. E., Lowe, K. B., & Carsten, M. K. (2014). Followership theory: A review and research agenda. The Leadership Quarterly, 25, 83–104.
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