Dans un article précédent, la sécurité psychologique a été identifiée comme un facteur essentiel à une collaboration positive au sein d’une équipe de travail et, plus largement, au sein d’une organisation. Cette sécurité psychologique repose sur deux piliers : une participation équitable de tous les membres du groupe lors d’échanges et la capacité d’empathie. Bien que ces comportements dépendent en partie de la volonté de chaque membre du groupe, il serait faux de croire que la collaboration ne repose que sur la responsabilité individuelle des membres d’un groupe. Bien au contraire, la collaboration en milieu de travail est d’abord une question de culture organisationnelle. Une organisation, notamment ses dirigeants, peuvent jouer un rôle significatif dans la mise en place de conditions favorables à un climat de travail sain. Une de ces conditions est la promotion d’un ensemble de normes cohérentes qui encouragent des comportements respectueux. Voici quatre principes facilitant l’établissement de cette culture de collaboration.
1- Reconnaître les effets positifs de la collaboration sur le fonctionnement de l’organisation
Pour qu’une organisation se dote d’une culture favorable à la collaboration, il faut d’abord et avant tout que ses membres, incluant ses dirigeants, comprennent et reconnaissent son importance et ses impacts. La première étape de tout changement est la sensibilisation et l’information. Plus les membres d’une organisation acquièrent des connaissances sur les conditions favorisant leur santé mentale en milieu de travail, mieux ils seront en mesure d’adopter des comportements ajustés et cohérents avec ces connaissances.
2- Mettre en place des normes de conduite qui s’appuient sur les principes de collaboration
La culture d’une organisation repose notamment sur un ensemble de valeurs et de normes qui fixent un certain nombre de règles guidant les comportements de ses membres. Ces normes constituent un code de conduite auquel les membres du groupe adhèrent, et leur non-respect peut avoir différentes conséquences, allant d’un avertissement à une sanction. L’application des normes suscite donc une forme de pression sociale qui amène les individus à agir pour assurer leur acceptation au sein du groupe.
Ainsi, faire de la collaboration et de la sécurité psychologique des valeurs centrales à une organisation doit également s’accompagner de certaines normes qui encouragent des comportements cohérents avec ces valeurs. Il peut s’agir, par exemple, de valoriser les comportements d’écoute et de communication respectueuse. Pour s’assurer que ces normes sont comprises et partagées par l’ensemble des membres, il peut être utile d’en faire une norme dit « officielle » ou écrite. Pensons aux différentes politiques adoptées dans les milieux de travail : politique contre le harcèlement, pour la promotion et le respect de la diversité, pour la civilité dans les relations, etc. La rédaction d’une politique et son adoption formelle donne un poids et une crédibilité accrue aux valeurs qu’elle véhicule et aux normes attendues.
3- Assurer la cohérence entre les normes attendues et les comportements acceptés par les membres d’une organisation
Il arrive que, malgré la présence d’une norme claire, appuyée par une politique écrite, on observe une grande tolérance vis-à-vis de comportements inacceptables selon les normes en vigueur. Par exemple, une organisation peut faire la promotion du respect, tout en tolérant qu’un de ses employés ou de ses dirigeants adoptent des comportements abusifs envers ses collègues (harcèlement, mépris, etc.) Ce glissement n’est pas rare et illustre bien qu’il peut exister à la fois une norme formelle, c’est-à-dire ce qui est écrit, et une norme informelle, c’est-à-dire ce qui est toléré. Le maintien d’un tel écart est indésirable mais également très nuisible, car il annule la crédibilité des normes formelles, ce qui modifie la culture organisationnelle.
Pour qu’une norme soit considérée et partagée par un groupe, elle doit être appliquée. Il est donc important de s’assurer que les comportements qui s’écartent significativement de la norme ne restent pas sans conséquence. Par exemple, il peut être utile de mentionner à un collègue qu’il interrompt régulièrement les autres membres de l’équipe et que ce comportement est dérangeant. Il est également essentiel d’agir contre le harcèlement au travail. Tous les membres peuvent participer à nommer leur inconfort devant certains écarts de conduite. Toutefois, les dirigeants et gestionnaires, à cause de leur position hiérarchique, jouent un rôle important : ils sont appelés non seulement à donner l’exemple mais également à intervenir lorsque les comportements d’un employé ne respectent pas la culture organisationnelle.
4- Démontrer de façon concrète aux employés que la collaboration est une valeur priorisée au sein de l’organisation
Diriger une entreprise ou une organisation n’est pas chose simple; les gestionnaires sont régulièrement appelés à prendre des décisions complexes dans des contextes où des intérêts opposés se confrontent. Ces décisions nécessitent non seulement d’avoir accès à un large spectre de connaissances mais également de prioriser certaines valeurs ou certains principes; il s’agit souvent d’un exercice éthique. Les décisions prises dans ces contextes de délibération éthique peuvent mettre en évidence l’importance qu’un gestionnaire accorde au bien-être de ses employés et la compréhension qu’il a des effets de ce bien-être sur le fonctionnement de l’organisation. Ainsi, un gestionnaire qui promeut un discours de collaboration mais qui prend constamment des décisions allant à l’encontre de ce principe trahit son manque de cohérence et effrite la confiance des employés envers les normes dont il fait la promotion. Il peut également provoquer des situations néfastes pour l’ensemble de l’organisation. Il peut donc être intéressant, pour les gestionnaires, de se doter d’outils de gestion mais également de délibération éthique pour soutenir la cohérence lors de leur prise de décision.
En résumé, la collaboration en milieu de travail repose, en grande partie, sur une culture organisationnelle partagée par l’ensemble des employés et des gestionnaires d’une organisation. La mise en place d’une telle culture repose sur l’identification et la promotion de normes de conduite favorisant la collaboration ainsi que sur le maintien d’une cohérence entre le discours et les comportements encouragées et acceptés en milieu de travail. Comme on dit, « les bottines doivent suivre les babines… »